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الثلاثاء، 19 ديسمبر 2017

DIALECTIQUE DE L’OCCULTE ET DE L’APPARAITRE

DIALECTIQUE DE L’OCCULTE ET DE L’APPARAITRE
Dans la pièce théâtrale
"Apparition et disparition d’Abou Darr El Ghifari"*


Pr. Ramdani Mustapha


Le dramaturge Sayed Hafid est l'un des rares écrivains arabes à innover en vue d'asseoir une tradition théâtrale arabe. Cette authentification est une préoccupation qui date depuis les années soixante,  si ce n'est plus loin encore, c'est à dire au début de la renaissance arabe moderne.
Les créateurs arabes, conscients de la part importante qu'occupent les œuvres dramatiques occidentales dans le monde arabe, ont senti l'obligation de chercher une alternative pour mettre en place une forme théâtrale originale. Des le début, l'accent était mis sur la nécessité de composer des œuvres théâtrales, qu'on ne s'étonne pas de voir paraître  des pièces  pionnières puisées dans le patrimoine culturel.
Les tentatives se sont poursuivies hésitantes et timides jusqu'à la venue de Youssef Idriss qui a incité à fonder un théâtre arabe authentique, c'était là le signe qui a déclenché un regain  d'intérêt chez les théoriciens arabes en vue de concrétiser ce dessein. Parmi ceux ci  on compte Taoufik El Hakim, Ali Eraii, Saad Allah Ouannous, Azeddine El Madani et d'autres représentants des différents genres dramatiques. Mais à côté de ces courants théoriques, des œuvres dont les auteurs ont voulu prouver la possibilité de créer un théâtre reflétant l'état affectif du simple citoyen arabe.
Théoriciens et créateurs ont diversifié leurs moyens et leurs démarches, mais ils ont tous insisté sur l’expérimentation. Et dans ce cadre s’impose le dramaturge Sayed Hafed, leader du théâtre expérimentale de l’avant garde, avec sa pièce “ Apparition et disparition d'Abou Darr El Ghifari ” qui compte parmi les œuvres pionnières qui fondent ce courant artistique.
Nous nous attacherons à dégager les composantes de cette tendance pour mettre en lumière son caractère d'authentification chez Sayed Hafed.
          “ Apparition et disparition d'Abou Darr El Ghifari ” est une pièce composée de trois thèmes, le premier est intitulé : l'interprétation, le second, la prise de conscience, quant au troisième, il a pour titre: la prise de position, les trois actes sont liés

dialectiquement parce que chaque acte conduit au suivant de manière logique. De même qu'ils servent le thème central du texte : celui de la pensée révolutionnaire opposée au régime dictatorial en vue d'instaurer une société démocratique.
Dès le début de la pièce, l’auteur nous suggère sa volonté d’authentification puisqu’il se sert de la technique de narration, comme dans nos histoires populaires, Une technique qui a prouvé sa neutralité dans le théâtre, mais Sayed Hafed s’immisce dans le récit, prêtant sa voix au récitant pour  se positionner vis - à- vis du conflit.

                                     Le récitant : Et tu meurs étranger dans la terre immense, et tu                                  meurs étranger parmi les hommes affamés,   et tu meurs éloigné sans que la cause soit tranchée  parmi les riches du pays et les pauvres dépouillés.(1)

                                 Pour légitimer le caractère authentique de l’œuvre, l’auteur établit un rapport entre les événements et les personnages de la pièce d’un côté et l’espace scénique de l’autre.
La forme classique rectangulaire ou carrée de la scène est la première donnée à être brisée.
Une telle disposition de la scène surélevée et à sens unique, a l’inconvénient de ne pas autoriser le public à prendre part à l’action dramatique, l’auteur a mis à contribution l’espace du conte arabe populaire (Halka), que les conteurs et troubadours racontent sur les places publiques.
Il a également reparti les scènes en plusieurs séquences définissant chacune un état, un moment ou une position. Cette répartition souligne l’importance, qu’a l’espace scénique pour l’auteur, préoccupation partagée, de fait par tous les tenants de l’authentification du théâtre arabe.(2) Sayed Hafed s’est également servi des techniques d’éclairage dont il a tiré le meilleur effet, puisqu’il a fait en sorte que les différentes scènes secondaires soient marquées par des tâches lumineuses pour les bien distinguer au sein de la même scène et ainsi mettre en relief l’unité spatiale ou temporelle ou moyen des halos ainsi que la valeur sémiotique dont ils sont porteurs, puis ces mêmes tâches

Lumineuses font fonction de fiction : Une sorte de flash-back cinématographique tout en suggérant la progression spatiale temporelle et événementielle sans l’aide du récitant ou du chœur.
D’autre part, ces tâches lumineuses associées au monologue intérieur nous font davantage découvrir le personnage central, le récitant à lui seul, n’étant pas en mesure de dévoiler la réalité de ce héros aux aspects multiples, est secondé par la femme de celui - ci. La linéarité même des événements se trouve inversée  puisque la pièce commence là où normalement elle doit finir. En procédant ainsi, l’auteur vise à susciter  la réflexion à travers la prise de conscience.

         - La première voix   :    Abou Darr ?
        - La deuxième voix   :    D’où viens - tu de chez toi ou d’exil ?
         - Abou Darr            : Qu’importe... les lamentations de l’affamé, l’amertume des victimes de l’injustice et la faim des  nécessiteux sont mon exil.
        - La troisième voix :   Toi,  parmi nous, sans que nous le sachions ?
        - Abou Darr           :  Et je souffre la faim et je cours et je crie : ش miséreux !
                                        ش victime ! ش affamés ! Frappez avec  l’épée de la faim.(3)

Le texte propose donc des équations relevant de la fiction plutôt que de la réalité pour briser certaines idées reçues. L’auteur introduit la dimension, fantastique dans cette pièce apparentée au genre épique.
En procédant ainsi, il cherche à mobiliser les facultés mentales chez le récepteur pour l’amener à comprendre.
Par moments, les événements sont présentés de façon fort étrange  au point d’inquiéter le spectateur et susciter chez lui curiosité,  questionnement et réflexion.
Le théâtre de Sayed Hafed est un théâtre qui exclut tout rapport affectif  fondé sur l’inculcation et l’assimilation car ce n’est pas un théâtre de distraction mais un théâtre intellectuel et interactif.
Said Hafed adopte la démarche fantastique en vue d’une meilleure implication du récepteur et l’amener dans un premier temps à saisir la portée de la pièce, puis dans un deuxième temps à établir le lien entre les évènements de la fiction et la réalité.
Des liens multiformes existent entre la fiction théâtrale en tant qu’ensemble de signes significatifs, et la réalité en tant qu’ensemble de faits, d’actes et de relations où la peur n’est plus une entité abstraite qui inhibe, mais une entité effective dont l’effet persécute les opprimés et les démunies chez eux, dans les mosquées et dans les marchés. A chaque fois, cette peur apparaît sous un nouveau visage transformant ainsi la vie des citoyens en un véritable calvaire d’exil et de bannissement :

La 5e voix : La faim et le besoin nous ont rendus sourds et muets.
Abou Darr    : Non…Non…Ni la faim ni la pauvreté (il les dévisage, puis sa voix 
                       Change) Non…Non… Mes amis. C’est la peur qui vous a fait  sourds et muets.. La peur, je l’ai vue de mes propres yeux entrer chez vous de nuit sous l’apparence de la police secrète, prétendant appartenir au corps des informateurs ( Il avance)Je suis venu dans l’intention de séparer les hommes d’entre les hommes. Je suis venu (Il fait un pas en avant) pour vous prévenir. Nous vivons à l’ère de la mort de l’âme, vous figurez-vous, mes amis, comme la peur vous exile quand bien même vous demeurez chez vous, souffrant la faim, dormant sur la tristesse, la misère et le besoin(4)
On est donc sûre que Sayed Hafed est convaincu  que c’est l’homme qui crée la réalité et non  l’inverse, les pauvres sont donc responsables de leur avenir en raison de leur peur et leur soumission, c’est pour cela qu’ils attendent le héros qui les sauverait  de leur isolement. Et c’est ce que craint Abou Darr El Ghifari. Si les pauvres ont peur d’affronter la mort, lui, s’inquiète de leur silence, de  leur peur et de leur attentisme ; parce que c’est dans le silence que germe la peur et que grandi la mort. Aussi, les incite t- il  à   rompre le silence  et à détruire le mur  de la peur. Car c’est l'heure de l’action, du mouvement et de la parole liée à l’acte, la mort elle-même redoute l’acte et l’action, alors que la parole ne suffit pas.
Cette incitation part d’un principe subversif, principe essentiel  dans le théâtre épique et qui vise la formation idéologique du destinataire. C’est pour cette raison que l’auteur l’attribue à Abou Darr dans de nombreux événements pour devenir lui-même la voix qui exprime sa position et ses idées, ainsi qu’il parle au nom du récitant et du chœur, dans d’autres cas.. Et puisque le principe subversif épique fait de la réalité une référence pour se révolter contre les contradictions dominantes, il l’utilise comme une autre référence pour proposer un substitut idéologique.
Les habitants de “Ferdaous Chouri ”  ont contribué par la peur et le silence à créer leur monde d’échéant, ils ont donc le moyen de le changer en vainquant leur peur et leur silence, cependant  Essayed Hafed tient à lier le changement avec le personnage d’Abou Darr parce qu’il possède un savoir et une conscience populaire  et sociale, et du moment que son appel touche tous les pauvres et les oppressés, sa position sera héroïque.
Déçu par l’obéissance et le silence des pauvres de la ville, Abou Darr passe à l’acte pour leur prouver que l’action était le seul moyen pour réaliser les buts.
Ceci est peut-être considéré comme la concrétisation des objectifs épiques dans   la création, donc la propagation de la révolution.
Le théâtre épique, chez Breicht utilise le fantastique pour réaliser la révolte contre toutes  les structures sociales et politiques pourries : il ne suffit pas pour le récepteur – de participer à l’acte théâtral en salle, il faut que cela conduise à l’acte réel pour aboutir à l’égalité et la justice dans la société, de là, le fait épique se réalise dans la pièce “l’apparition d'Abou Darr ” à travers la réaction d’Abou Darr face au silence et la passivité des habitants de la ville ; Cette réaction revêt un caractère subversif :

- Choeur        : L'obéissance est essentielle, mais qui obéit à qui ?
-: Changes - tu ?
-: Non.
-: Te plains - tu ?
-: Oui je me plains
-: Tu te révoltes ?
- : Oui, je me révolte.
-: Tu t’engages ?
-: Oui je m’engage(5)

Et pour dénoncer la ségrégation sociale dans la ville “Firdaous Chouri ”, Essayed Hafed dévoile les défauts du pouvoir corrompu … Ce pouvoir use de tous les moyens pour faire croire à sa justice et sa  piété  en s’appuyant pour cela sur des commis qui propagent le mensonge et qui créent la peur et la doute pour cocher les maux de la société.  Cette façon de faire est bâtie sur la binarité “face-masque ” : face pour les proches du pouvoir et ses commis et masque pour les autres cette façade tel un caméléon pour revêtir  différents aspects. Il y a  une troisième face qui relie les deux premiers et qui se concrétise dans la conscience aliénée* indécise entre le pouvoir et le peuple.
L’auteur les symbolise dans la pièce par les hommes aux barbes blanches. Ils savent que ce sultan  Abou El Moujoun  n’est pas juste et que  Abou Darr appelle à la justice et le droit, mais ils sont incapables de faire face.
Et du moment que le facteur économique est l'élément déterminant de la société, Essayed Hafed en fait l’arme pour activer la lutte des classes, ce même facteur est l’arme du sultan pour deux raisons; la première réside dans la pression sur le peuple par l’augmentation des salaires des soldats et du wali, car il est vrai que plus le sultan rapproche ses assistants, plus ils deviennent durs avec le peuple ; la deuxième raison, réside dans la corruption des religieux par l’argent et les fêtes afin qu’ils influencent les gens.
La déclaration du sultan “Fatik ” constitue un  exemple éloquent (et c’est une recommandation d’un père à son fils).

-Le sultan : ض  fils ! Fait ce que tu veux mais préside la prière du vendredi en étant parfumé, tient un chapelet à la main met de l’encens et murmure ! Le wali sage fait ce qu’il veut en cachette, mais face  au peuple il apparaît vêtu d’un vêtement aussi transparent  que la lumière,  il donne l’aumône, construit l’habitation et la mosquée, comprends-tu  fils ? Quand  tu visites un pays chrétien, construit une église, bénis le christianisme et appelle auprès de  toi les cheikhs des mosquées, ne participe pas aux fêtes et sois généreux envers eux pour qu’ils t'acclament ; ainsi tu t’assureras de leur fidélité et de leur obéissance et envoie tes agents dans les mosquées, ils te rapporteront les discussions des cheikhs, leurs bavardages et ce qu’ils cachent..
                                        Si jamais l’un deux s’opposait à toi, exile-le et fait de lui un mécréant et le sage  saura  qui tu es..(6)

            Mais si le sultan a pu mener le peuple à la baguette accumulant oppressions et injustices, il n’a cependant pas pu se soustraire à un pouvoir plus puissant que le sien et qui le traquait, le persécutait  au point de le priver de ce qu’il avait acquis …
C’est pour le montrer que Sayed Hafed a recours à l'éclatement de l’espace scénique “classique ”.Il use de “flash- back ” a travers le rêve.
Abou Darr apparaît bien vivant, continuant sa lutte et son opposition à un pouvoir malsain et corrompu, pour le bien des opprimés, après sa mort entre les bras de sa femme, parmi ses amis qu’il exhortait à la révolte. Ainsi l’auteur se dote de techniques épiques pour soutenir cet “éclatement ”pour se servir de “distanciation ”  afin de nous mettre en contact direct avec la pensée d’Abou Darr. Cette pensée qui ne tarde pas à devenir un vrai cauchemar, vécu par le sultan. Lui qui assume la responsabilité des peines et des contradictions qui sévissent dans la société de “Ferdaous Chouri ”.
Et il apparaît que l’usage que fait l’auteur de la distanciation est une nécessité impliquée par la pensée progressiste abondante dans la pièce, l’objectif de cette technique  est de placer le lecteur devant l’aspect fantastique des événements.
Le fantastique se manifeste par la rupture de l’équation selon laquelle la mort équivaut à l’anéantissement.
Sayed Hafid modifie cette équation de façon que la mort équivaille à la vie, la mort de l’individu.
- La mort équivaut à la vie          la mort d (Abou Darr) = la vie du peuple
-  La vie équivaut à la mort         la vie de l’individu (le sultan) = la mort du peuple.            La mort d’Abou Darr ranime la pensée révolutionnaire en donnant espoir à toutes les couches populaires opprimées. Le héros est mort en martyr pour que vivent les autres. Quant à la vie de sultan, elle signifie la mort de cet esprit révolutionnaire et donc la mort de la masse.
Ainsi, la mort d’Abou Darr était l’occasion d’un renouveau social pour Firdous Chouri tyrannisé, parce que le sultan considérait que l’ère de la vie chère est révolue et que les troubles et les cauchemars commencent.
Voici Abou Darr, supposé mort à tout jamais qui refait surface, plus puissant et déterminé à l’affrontement, maintenant entité morale, il se fait plus effrayant pour le sultan le privant de ses jouissances les plus personnelles soient – elles.
Il le hante dans ses rêves au point de les transformer en  cauchemar permanent. Ce qui amplifie ce sentiment de terreur chez lui c’est que ses indicateurs et ses espions sont dans l’incapacité de faire quoi que ce soit qui puisse le délivrer. Pire, ces mêmes agents accentuent ses obsessions en le croyant atteint de démence sinon comment justifier ses délires relatifs à Abou Darr que tout le monde croit mort.
Il est établi que l’usage par l’auteur de la technique de distanciation est un moyen de permettre au lecteur d'appréhender les schémas habituels de manière, complexe et régionale pour mieux percevoir l’étrangeté et l’irrationalité des rapports prédominants. L’étrangeté est une propriété de l’état de Firdous Chouri, c’est  au récepteur de la déceler, ainsi que les paradoxes qu’elle implique.
Cette apparence de l’étrange s’étend au point de gagner les membres de la cour eux – mêmes. Habitués à de telles contradictions, ils les considèrent  comme conformes à la réalité ; les revendications du peuple en revanche, constituent l’exception. C’est  ainsi que lorsque le sultan crie, appelant à l’aide  sa cour pour le délivrer des mains d’Abou Darr, la consternation est à son comble de le voir manifester une attitude à la fin burlesque et caricaturale, mais  ces réactions éclairent  davantage sur le mode de pensée, chez ces gens- là comme le montre le dialogue suivant :

  - Le sultan             : Le feu, le feu enveloppe mon cou au secours   gardes, à  moi gardes, le feu enveloppe mon cou,
- Le garde principale : Quoi que dites-vous, Sir ?
- Abou El Moujoun  : Abou Darr ? Que dites-vous ? (Il entre) que s’est-il passé mon fils ?
- le Sultan                  : Ton père rêvait mon fils
- Abou El Moujoun  : De quoi ? Que ce passe- il ? Calme-toi ! Assieds-toi mon fils.
- Le garde principal  : Vous avez trop mangé, Sir
  - Le sultan           : Tais-toi ! Ce sont la les paroles d’Abou Darr, tu as trop      mangé et les pauvres sont affamés.
Le garde principal    : Les rêves sont une calamité, les uns se réalisent, d’autres                                    non. Sir, Je vous en prie reposez-vous. (7)

Le garde principal attribue donc l’apparition d’Abou Darr dans les songes du roi à l'excès de nourriture. Ce terme est à prendre dans le sens courant, mais il recouvre une exception plus étendue. Si le garde principal laisse entendre que l’estomac du sultan n’arrive pas à assimiler tous les aliments définis, c’est ce qui est conforme à la logique ; Mais l'auteur, en faisant porter ce jugement sentence : “ Vous avez trop mangé ” vise à dépasser la signification simpliste pour susciter chez le lecteur des interrogations sur ce qu’a mangé  le Sultan, puis y apporter des réponses : le Sultan a t- il accaparé tous les biens d'autrui ? En a t- il tellement mangé au point de ne plus faire la part du réel ?
En a – t- il ? ?… toutes ces questions et d’autres encore lui sont suggérées à la lecture de la question du garde principal.
Il semble qu’en donnant aux dialogues une dimension étrange, l’auteur entend
libérer le lecteur de la passivité. Le théâtre épique a la propriété de solliciter la participation du récepteur.
            On doit remarquer également que le caractère étrange attribué aux dialogues et aux événements ainsi que l’introduction d’écarts dramatiques entre rêve et éveille, entre réalité et fiction est intimement liée au titre du premier acte ou foyer : l’interprétation. nous estimons que ce titre vise à soutenir l’action épique en suggérant des scènes et des phénomènes comme étant des énigmes ou des songes qui exigent des solutions, des explications. A ce titre, le rêve du Sultan n’est qu’une énigme parmi d’autres qui entrent dans la composition du premier acte. Sayed Hafed, en mettant le lecteur face à ces faits si étranges, l’incite à l’interprétation.
D’autre part,  l'appellation : “ foyer ” donnée aux actes, confirme  notre propos ; le terme “foyer ” dénote les lieux d'emmagasinage : greniers, caves, puits, trous… Contenant les richesses du peuple. Cette seconde exception  n'est pas sans évoquer une révision d'une autre nature faite d'interrogations, embarrassantes dans lesquelles puisera le lecteur. D’autre  part, le terme  foyer fait référence aussi au coin du feu. L'auteur, entend ainsi associer les préoccupations du peuple de Ferdaous Chouri et celles du lecteur en vue de les fusionner en un ensemble de questions préoccupantes pour le peuple comme pour le Sultan.
L’auteur est parvenu à établir le lieu entre les trois foyers des actes. L’interprétation du rêve dans le premier acte conduit à la “prise de conscience ”, qui devient le titre du second foyer. L’interprétation du rêve ne dévoile pas le caractère des luttes au sein de la société de Firdous Chouri tant qu'elle est soumise aux aléas hypothétiques et autres interprétations. Mais tant que les contradictions prévalant dans la société de Ferdaous Chouri   nécessitent une appréhension consciente et une perception rationnelle, l’auteur a fait de la prise de conscience pour le peuple de la réalité des luttes, des enjeux du pouvoir et de sa position vis-à-vis d’Abou Darr et des idées révolutionnaires de celui-ci le thème central du second acte. Cependant, la prise de conscience à elle seule ne suffit pas pour mettre à nu l’état de décomposition atteint par la société, et encore moins y changer quelques choses. Pour cela,  le troisième foyer à été intitulé : “  la position ” en synthèse des deux précédents. En effet, l'explication du réel  et la perception de ses antagonismes ne suffisent pas à mettre en place un monde nouveau.
Le troisième acte se présente comme une alternative puisqu'il débouche sur une prise de conscience active par le peuple qui passe à l’action à l’incitation d’Abou Darr  lequel se fait, le défenseur et le propagateur de la pensée révolutionnaire.
De ce fait, Abou Darr n’est pas mort, mais vivant par ses idées et ses positions.

-Choeur  : Non, Abou Darr n’est pas mort, il est vivant parmi les hommes, il est parmi vous ; voyez-vous Abou Darr. Cherchez-le !  Il est parmi vous. Abou Darr est parmi vous, cherchez le et protégez-le ! Abou Darr est parmi vous. (8)

         Sayed Hafed inscrit ainsi La pièce  “ apparition et disparition  d’Abou Darr El Ghifari ” dans une perspective  d’avant –garde en raison de l’attitude du peuple une  fois la pensée d’Abou Darr assimilée pour engager L’action révolutionnaire .
Le 1é acte = l’explication Le réel L’interprétation
Le 2é acte = la perception Le réel L’assimilation
(prise conscience théorique)
Le 3é acte  = la position Le réel L’action (prise de conscience active).

Nous constatons à l’examen de ce tableau que les trois actes aboutissent à l’inverse du titre de l’œuvre, que nous sommes tentés de formuler ainsi : “ disparition et apparition d’Abou Darr El Ghifari ” car la disparition qui succède à l’apparition signifie la mort effective. Mais la pièce suggère, comme nous l’avons vu, la pérennité de son héros qui suscite l’action épique à travers la disposition de missionnaire dont il se fait le devoir d’accomplir, disposition clairement explicite dans le troisième acte.
Il est certain que cette tendance épique est liée chez Sayed Hafed à la vision réaliste. Ce qui est normal quand on sait que le théâtre épique est un théâtre rationnel, réaliste et engagé. Réalisme qui met à nu l’état de décrépitude du monde arabe.
Malgré les défaites successives subies par leurs dirigeants, ceux-ci demeurent indifférents quant au  sort déplorable de leurs sociétés. Ils persistent dans leurs pratiques faites d’abus et de répression.
Ce modèle du  pouvoir atteint par le plaisir maladif et par la répression féroce, trouve son incarnation en la personne d’Abou El Moujoun, fils du Sultan Fatik.

  - Abou El Moujoun : (Rire et cris ) Je coucherais avec elle dans un bain de vin, en écoutant lire la poésie, en chantant tout soûl en piétinant sa poitrine et en rêvant de pluie. J'appuierai mon genou contre sa poitrine jusqu’à l’étouffement.
(Entre l’expert en dénaturation et en tromperie, le Sultan le voit, fait cesser les  chants).
  - L’expert                 : Mon émir.
   - Fatik                    : Parle et n’en rajoute pas.
   - L’expert               : Les espions ont parcouru les rues, entrevu les marchands du pain et les cordonniers, ils ont parcouru tels les chevaux de  course les rues de la ville guettant les voix les rancunières appliquant leurs têtes contre les portes et les fenêtres humant l’odeur des hommes des femmes et des enfants. Voici le rapport (il présente une feuille à Abou El Moujoun qui l’ouvre et commence la lecture, puis se retourne vers la chorale constituée de charmantes demoiselles).
      - Abou El Moujoun       : Chantez, chantez gitanes ! (9)

Ecrivain engagé, Sayed Hafid s’est attaché à faire que des idéaux révolutionnaires d’Abou Darr  gagnent tous les hommes épris de justice et de liberté. De ce fait, lorsque Abou El Moujoun entreprend d’adopter le même modèle de gouvernement que son père Fatik, il est à son tour embêté  par spectre d’Abou Darr, qui vient le tourmenter  dans ses cauchemars.
La personne d’Abou Darr acquiert ainsi une étendue  universelle, dépassant le cadre régional, car la création véritable est celle où l’homme, partout où il se trouve, reconnaît ses peines et ses préoccupations. Celles endurées par le peuple de Ferdaous Chouri représentent l’oppression sous toutes ses formes subie par l’homme, quelque soit l’époque quelque soit le lieu. Si chaque époque a ses tyrans* , il est vrai  aussi qu’elle a ses derviches et ses marginaux.
Ce concept de l’engagement chez Sayed Hafid se fonde sur la réalité elle-même, car- assez fréquemment- il (l’auteur) prête sa voix au peuple soumis à l’état de siège, l’auteur est ainsi amené à dénoncer les abus des  forces de répression par la voix de chœur, la douleur du peuple.

-Choeur : la question  est là, entre nous réside la question, le gouvernement délibératif… mais pour quoi faire  ? Qui est contre qui ? Là est la question. Les nécessiteux vous demandent de répondre conformément au Coran et aux paroles du prophète et de ses compagnons. Nous souffrons de la faim tandis que les indicateurs et les délateurs se remplissent les poches, pillent les biens publics. Là est la question. Entre nous réside la question. Et votre sabre suspendu sur nos têtes et votre terreur suspendue sur nos têtes, et votre terreur suspendue au-dessus de nos demeures, l'épée est tâchée de notre sang et votre terreur est faite de violence et de mépris pour qui sont ces entraves ? Là est la question. (10)

Il est certain que l’implication de l’auteur dans les péripéties dramatiques de la pièce est justifiée : il s'applique à tenir le lecteur à l'écart des symboles denses, contrairement à certains dramaturges arabes qui usent excessivement des symboles de notre patrimoine ; compliquant ainsi la tâche du simple lecteur, qui, au lieu de décrypter le texte, est réduit à en décoder les énigmes.
Si l’auteur fait de son théâtre, un théâtre rationnel c’est pour privilégier le niveau esthétique au dépens du niveau rationnel, de façon à intriguer le lecteur et solliciter ses facultés intellectuelles.
Les personnages quant à eux demeurent opérationnels, cela signifie que l’auteur considère le patrimoine comme un ensemble d’idées et de positions et pas des états fixes et immuables. De ce fait, le personnage d’Abou Darr n’est plus le compagnon qui proclamait sa formule célèbre : “ ش Dieu ? Je m'étonne de ce qu’un individu qui n’a pas à manger ne sort pas, épée au poing pour en exiger. ”
Mais il est devenu le symbole de toute personne qui dénonce l’injustice dont il est témoin, le symbole du militant qui se sacrifie pour les autres.
Le patrimoine chez Sayed Hafid est une donnée subjective grâce à sa vision personnelle étant donné que tout analyste ou créateur  a le droit d'interpréter le patrimoine en fonction de sa vision du monde, et par suite de son point de vue idéologique, c’est pour cette raison que l’auteur considère le personnage d’Abou Darr El Ghifari, dans une perspective rationnelle moderne Il en fait un militant qui porte des idées subversives. Cette lecture rappelle celle de Mamdouh  Oudouane dans la pièce intitulée “comment j’ai abandonné le sabre ”. Qui à son tour présente Abou Darr comme révolutionnaire et porte-parole des oppressés, s’opposant aux puissants (riches et gouvernants )
Négligeant le fait que la lutte est une affaire de classes, il y a donc une différence de perceptions chez les deux auteurs, malgré le rapprochement  des finalités dans l'évocation de cette personnalité historique, et pour montrer cette divergence, nous présentons cet extrait de la pièce “comment j 'ai abandonné le sabre ” :

  - Abou Darr  : Savez- vous que je me suis sacrifié pour une juste cause ?
  -  La Foule    : Mais, nous autres pauvres, avons besoin de héros pas de martyrs.
-  Abou Darr : Que signifie ce discours ? Vous avez toujours besoin ! !... dites-moi plutôt, quand allez- vous agir ? Jusqu’à quand demeurez- vous blottis dans vos demeures, attendant que les autres fassent

-tout pour vous ? Jusqu’à quand répétez-vous les nouvelles des      combattants  sans combattre ? Jusqu‘à quand pleurez-vous les martyres sans rien faire ?
- La  foule      :  Nous étions “un volcan ” qui attendait son éruption  et Abou Dar était cette étincelle, mais elle s’est éloignée de nous sans nous fournir d'énergie.
- Abou Darr     : Non, vous étiez  un bois humide qui ne peut brûler
- Le1er              : Ecoutez, monsieur, moi je suis un inconnu, l'un  de ces pauvres      gens. moi je ne vous connais pas
- Abou Darr    : Vous ne me connaissez pas ?
- Le1er                   : Vous ai-je jamais vu auparavant?
- Abou Darr  : Aucune importance, vous devez  m’avoir vu, vous devez avoir     entendu  parler de moi et de ma lutte. On  parle partout  de moi.
- Le1er           : Vous étiez présents dans les palais des riches pour les affronter, vous étiez en  présence de leurs excellences, Wali et Khalife pour crier votre point de vue, vous donniez votre avis des compagnons du prophète. Dans l’assemblée, mais jamais, tu n’es venu pour me dire allons “esclave de Dieu” prends ton sabre et viens avec moi pour sauver ce pourquoi nous avons lutté à l’avènement de l’Islam (11)

Alors que le Abou Darr  de Sayed Hafed est un révolutionnaire qui s’est lié aux masses populaires, qu’il a incité à la révolution. Il a longtemps pourchassé le pouvoir auquel il a donné des insomnies. Il est descendu dans la rue pour appeler à la révolution contre l’injustice et l’oppression, bien qu’il n’ait pas été écouté durant sa vie.

-Abou Darr : (il s’approche de la scène)  Je suis venu vous avertir, c’est l’époque de la déchéance de l’âme, savez vous, mes amis comment la peur vous exile pendant que vous souffrez de la faim et que vous dormez dans la peine, la misère et le besoin ?

            (On entend des voix de tous les sens).
-                   : ض, Abou Darr, sauvez-nous de notre exil !
-                    :  La peur ou la mort ?
-                    :  Le silence ou l’oppression ?
-                    :  c’est égal
-                    : Le malheur c’est de nous laisser à la merci de la mort et de la peur.
-                     : Ou le silence et l’oppression.
-                     :  Ou (il bégaie )
-                     : ض Abou Darr, (la parole ne sort pas de la gorge).
- Abou Darr   : ( il monte sur scène ). J’ai rêvé de  la parole –sabre, de la parole - fouet dans la main de la victime pour terrasser l’oppresseur, mais …(12)

Cependant cette voix est effectivement parvenue à l’écoute des gens (spécialement) après la mort de Abou Darr, ses idées furent échangées, sa personnalité s’est installée dans toute personne croyant à la justice, à l’égalité et au droit.
Ainsi Sayed Hafed, nous met face à une scène satirique éblouissante  au deuxième acte. Quand Abou Darr se subdivise en plusieurs personnages à tel point que le juge n’arrivait pas à choisir un coupable ! L’auteur va plus loin quand il fait du juge lui-même l’accusé, et dans cette juxtaposition, il y a allusion à l’élan collectif populaire dans la pensée d’Abou Darr, qui demeure dans toute société dominée par l’oppression et l'hégémonie. Donc si Abou Darr, se substitue au juge Seif Eddine El Farouk, c’est qu’il se substitue à toute personne digne qui aspire à la justice et à l’égalité.

        - Choeur 2         : Certains ont dit qu’Abou Darr est vivant et d’autres qu’il est   mort.
        - Choeur 3       : Mais les apparitions et les disparitions d’Abou Darr demeurent   une énigme.
       - Chef de police : Maître ! Nous avons surveillé, Seif Eddine El Farouk plusieurs mois discrètement et nous sommes assurés qu’il est devenu pauvre

                                  et que certains gens le fréquentent et lui fournissent la nourriture alors que d'autres parlent de lui comme d'un héros qui défie l’autorité et le Sultan. Un troisième groupe le maudit parce qu’il était contre vous. 
- Abou El Moujoun : croyez - moi chef de police, l’âme d’Abou Darr s’est incarnée en cet homme, j’ai de la peine pour lui, et je  le plains,  mais le trône, le trône  a ses victimes.
- Choeur               : Abou El Moujoun était ivre, quand il a prononcé ces mots , et l'ivresse est un état second, le sommeil et l’éveil sont deux choses différentes.
- Abou El Moujoun : Mais le rapport dit qu’Abou Darr est vivant.
- Le Choeur             :  Non.. Abou Darr est mort
- Le Choeur          :  Non, Abou Darr n’est pas mort.. Il est vivant il est parmi vous, bonnes gens, regardez. Voilà Abou Darr. Cherchez-le parmi vous ! Abou Darr est parmi vous.. Cherchez- le et protégez-le !  Il est parmi vous, Abou Darr est parmi vous bonnes gens ! (13)

L’engagement est visible dans l’acte trois de la scène 1. Quand l’auteur découvre les contradictions de la réalité en crise, la ville de Firdous Chouri est malheureuse, elle est dévorée par la misère, la cherté et la mainmise de la police secrète ; malgré cela, la voix d’Abou Darr retentit dans les oreilles de ces catégories d’oppressés. C’est comme si l’auteur confirmait la prépondérance du facteur économique dans la prise de conscience politique chez les gens, cependant, et à côté de cela, il y a un point essentiel dans la conception de la lutte des classes chez Sayed Hafed, conception qui réside dans la dimension Islamique, et si nous évoquons ce fait, c’est pour éviter une représentation erronée qui veut que le réalisme et l’engagement soient un courant apparu avec les mouvements de libération contemporains ; par ailleurs, l’auteur affirme que la pensée Islamique est riche en mouvements révolutionnaires. Quant à Abou Darr il n’est qu’une voix parmi toutes celles qui sont passées à l’action, elle s’inspire de l’Islam authentique, pour faire face aux dissensions et aux interdits (Tabous). C’est pour cela qu’il réajuste souvent les fausses représentations à partir d’une optique Islamique libératoire tel qu’il

paraît par exemple dans sa façon de lier la religion à la vie et sa recommandation pour l’égalité, le travail et la liberté.

- Chef de police   : Que faisais - tu ?
- L’homme           : Je discutais avec un ami
- Chef de police  : Discussion interdite ! Allez dans les mosquées parler des sujets religieux et laissez la politique aux  politiciens !.
-L’homme        : La religion est au service de la vie.
-  Chef de police  : La religion est pour l’au-delà.
-L’homme        : Il est juste que je comprenne.
-Chef               : Qu’est ce que le juste ?
-L’homme       : Dieu est juste
-Chef              : Qu’est ce que le juste ?
-L’homme      : la justice
-Chef             : Qu’est  ce que la justice ?
-L’homme     : l’égalité.
-Chef            : Qu’est ce que l’égalité ?
-L’homme     : L’abolition de l’injustice. (14)

Cette tendance Islamique apparaît dans le texte à travers l’exploitation ou l’introduction de nombreux termes et concepts Islamiques, et ce qui retient notre attention dans la pièce, en premier lieu, c’est le nom “ Abou Darr ” car le choix d’un  personnage n’est pas gratuit.
De ce fait, la relation de l’auteur avec le personnage central est justifiée par la conviction intellectuelle. Il exploite les atouts révolutionnaires pour prouver d’abord la souplesse de l’Islam, son humanité, son progressisme et son respect pour les droits de l’homme et ensuite pour s’opposer à ceux qui prétendent que l’Islam est la religion de l’éternité seulement et que la révolution est liée aux mouvements de libération conventionnels seulement.
Le personnage d’Abou Darr est un simple exemple de la pensée révolutionnaire Islamique. Et pour ce qui est de concepts Islamiques dans le texte, on trouve qu’ils sont multiples, parmis eux, l’interprétation et l’appréhension : titres du premier et du deuxième acte. Ces concepts philosophiques sont liés aux Soufis musulmans. Ce qui reflète le degré de connaissances religieuses de Sayed Hafed.
A côté de ces deux termes essentiels nous en trouvons d’autres qui dénotent le sens religieux dans la pièce, citons : La Choura, la Sounna, la religion, l’envoyé de Dieu, le compagnon du prophète, les musulmans, création de Dieu, la mosquée, Ibrahim, Ismaïl, etc. …
Il y a aussi insertion des idées coraniques et des paroles du prophète tels que “dent pour dent ”, “chacun de vous est responsable.. ”*
Il est à noter que la pièce ne se contente pas d’introduire les termes et les concepts, mais les dépasse pour prendre position, attitude qui confirme la souplesse de l’Islam face à certaines conceptions  modernes (épiques) par exemple. Cette conception dans le texte n’est pas une attitude idéologique qui s’adresse à une classe particulière pour créer une prise de conscience, comme c’est le cas chez Breikht  … Elle est devenue avec Sayed Hafed une position humanitaire, progressiste et intégrale, cette intégralité est une invitation franche  à l’humanisation de la création du moment que c’est une affaire de tous et non pas d’une classe ou une couche sociale.
Il parait que c’est cette tendance épique, populaire et globale qui a donné naissance à des dialogues dominés par l’aspect incitateur directe. Et nous avons signalé que cette sorte de dialogue traduit souvent la voix de l’auteur lui-même à travers le chœur ou le narrateur,  citons  ces exemples :

         - Choeur            : Nous serons unis (chant dramatique) il faut que vous luttiez et         nous aussi, il faut que nous luttions ainsi que vous tous ! !
       - Le narrateur    : ض bonnes gens, créatures de Dieu, il faut vous rassembler ! Gardez-vous des concessions car dent pour dent, oeil pour oeil, unissez-vous pour dissiper les ténèbres ! Ne craignez pas la domination de l’obscurité parce que chacun de vous est responsable et sujet de la vérité et de la liberté.
      (Le chœur se divise en petits groupes, les locuteurs continuent leur dialogue)
       - Locuteur 1          : La peur ?

       - La foule              : Nous la tuerons.
       - locuteur 2           : Et le silence ?
       - la foule              : Nous le tuerons
       - Locuteur 3        : Et la soumission ?
       - la foule             : Nous la tuerons. (15)

En réalité Sayed Hafed. Possède assez de transparence pour pouvoir éviter ces dialogues incitateurs directs, car ceux-ci faisant du théâtre des slogans qui touchent les sentiments bien qu’il ait utilisé un style épique qui s’adresse à l’esprit avant le sens. Et nous considérons qu’un tel enthousiasme élimine la dimension dramatique dans la pièce. Le lecteur n’a pas besoins de ces discours exaltants pour comprendre le côté symbolique du dialogue théâtral, et je pense que l’auteur a utilisé ce  style croyant que la subversion est le meilleur  moyen pour communiquer dans ce genre de sujets destinés aux masses populaires. Il ne faut cependant pas oublier qu’un discours émotionnel n’est  pas bien perçu par le destinataire  parce qu’il s’arrête au niveau affectif qui change en fonction des situations et des états d'âme. La perception  rationnelle est seule apte à créer une conviction immuable.
Malgré cela la pièce “Apparition et disparition d ‘Abou Darr ” reste un  ouvrage au langage surjectif, au style poétique et aux images rhétoriques expressives.

Abou Darr : (il  monte sur scène). J’ai rêvé de la parole / épée, de la parole / fouet entre les mains  de l'oppressé pour terrasser l’oppresseur, mais.. mais le monde entre la tolérance de Jésus, l’aisance et les plaisirs a appris à l’oppresseur à jeter des miettes de sa table comblée de soupe de volaille, de viande grillée et d’oiseau aphone aux ailes coupées, cet oiseau se relève après avoir été égorgé, il est resté longtemps accroché à la gorge attendant la clarté de l’aurore blanc.. ou noir (il s’arrête, le timbre  de sa  voix change) Oh la voix ne se lève plus après la trêve, le courage n’apparaît plus après l’équilibre et les rêves des salariés ne jaillissent plus en flammes sur l’immobilité du temps mortel..(16)

Il apparaît à travers les didascalies que l’auteur Sayed Hafed fait preuve d’un sens esthétique très élaboré, ce qui facilite la tache du réalisateur, les manifestations de ce sens esthétique apparaissent clairement dans le choix du titre : “ Apparition et disparition d’Abou Darr El Ghifari ”, il se fonde sur la technique de l'écart pour mettre en relief la dualité de l'apparition et de la disparition. Abou Darr se mue en plusieurs personnages : L'acteur unique est amené à incarner plusieurs rôles, parce qu'il n'est pas seulement le compagnon du prophète, mais également le porte-parole de tous les opprimés, c'est la raison pour laquelle l'auteur aide le réalisateur par les didascalies qui constituent des annexes pour compléter le personnage.
Nous avons remarqué que l’éclairage joue un rôle fonctionnel dans la suite en relief de cet écart d’un côté et pour briser le cadre théâtral classique. Cet éclairage détermine la “sémiotique ” des petites scènes à l’intérieur de la principale ainsi que l’espace et le temps de manière à amener le récepteur à sentir le changement et la dynamique et à éviter toute identification, aussi se confirme chez Sayed Hafed le sens esthétique, non seulement dans l’écriture littéraire, mais aussi dans l’écriture scénographique, de même que la dimension épique marque la pièce tout au niveau littéraire, qu’esthétique que scénographique …
Pour toutes ces raisons, on peut affirmer en toute quiétude que le créateur Sayed Hafed tend, avec beaucoup de sérieux et de conscience, à créer une forme théâtrale arabe capable d’interroger la mémoire collective pour rapprocher le récepteur de son héritage civilisationnel. Il a mis à profit des techniques dramatiques contemporaines vu leur caractère populaire ; Aussi, sa tentative constitue t- elle un apport supplémentaire à celles qui cherchent à fonder le théâtre arabe, loin de toute dépendance culturelle visant à annihiler l’identité arabo-musulmane.

          Mustapha Ramdani
      Oujda / Maroc.

Index
       
           * Mohamed Youssef a collaboré avec Sayed Hafed à la création de cette pièce  “Apparition et disparition d'Abou Darr ” édition la voix du Golf
        1- la pièce P 13
        2-Pour connaître les positions des ces courants vis-à-vis des espaces scéniques il est possible de revoir certaines  pièces de Youssef Idriss, Saad Allah Wannous, Azzeddine El Madani, Abdel Karim Berchid , taib seddiki, alfred Faraj,  Kassim Mohammed, Abderrahman Charkaoui,  Mahmoud Diab, Najib Sarour : à titre d’exemples.
                    3- la pièce P. 15 - 16
                    4 - la pièce P 16
5- Ibid. P 18-19
          *Voir la pièce P 57-58-59, on a nommé cette pensée “défaitiste ” à cause de sa perdition et de son indécision entre le pouvoir et le peuple malgré sa connaissance des faits.
6- La pièce. P 21-22
7- Ibid. P26
         8- Ibid. P99-100
         9- Ibid. P39
         * Par rapport au Sultan Fatik et son fils Abou El Moujoun
                    10- la pièce. P 51-52
                    11- Mamdouh Oudouane : Comment a- tu laissé l’épée ?. Ed : Ibn Rochd, Beyrouth, P.116-117
         12- la pièce, P.16-17
         13- Ibid. P.99-100
         14- Ibid. P.66-67
           * Pour plus de détails sur les significations du Coran et du Sounna, voir les pages suivantes de la pièce, comme exemple : 18-19-27-28-30-50-60-67-95.
         15- La pièce. P.74-75
         16- Ibid. P. 17-18

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